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L’immobilier : la bombe à retardement économique

Alors que la filière du logement s’enfonce chaque mois un peu plus dans la crise, Vinci Immobilier s’apprête à lancer un plan social. D’autres poids lourds de la promotion immobilière pourraient lui emboîter le pas dans les mois à venir. Les répercussions sociales, pour l’heure difficiles à prévoir, pourraient être d’ampleur.
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Vinci Immobilier les premiers à dégainer

Le 10 janvier dernier, Xavier Huillard, PDG de Vinci Immobilier, a annoncé être en cours de discussion avec les représentants du personnel dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Si pour le moment, aucune information n’a filtré à propos du nombre d’emplois concernés, Vinci est le premier gros acteur du secteur à franchir la ligne avec ce plan social.

Ce plan serait précédé “d’un plan de départs volontaires” selon le PDG du groupe. En attendant, les embauches sont gelées, les départs ne sont pas remplacés et l’objectif serait de privilégier les “mobilités intra groupe” poursuit Xavier Huillard. Mais face aux signes de ralentissement du marché immobilier depuis quelques mois, le secteur est en proie à une crise majeure qu’il ne s’agirait pas de minimiser. Les demandes de permis de construire (-27,9%), des ventes de logements neufs (-39,3%) ou des mises en chantier de logements (-19,6%), sont en chute libre, de quoi inquiéter les professionnels du secteur qui réclamaient à cor et à cri des mesures d’urgence. 

Les réflexions issues du conseil national de la refondation (CNR) Logement conclu en août 2023, prometteuses d’après les acteurs de la filière, n’ont pas été traduites en actes politiques concrets. “Il y avait quelques propositions sur lesquelles tout le monde était d’accord, et même celles-là n’ont pas été saisies pour avancer vite”, regrette une professionnelle du secteur de l’immobilier. 

Les chiffres de vente pour 2023, disponibles le 8 février prochain, ne devraient pas inciter à l’optimisme alors que la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a déjà fait savoir qu’elle s’attendait à des ventes en baisse de moitié par rapport à 2022. La filière anticipe la suppression de 150.000 emplois d’ici 2025, ainsi qu’une baisse d’activité pour 2023. Le ralentissement de ces grands promoteurs va entraîner avec lui toute la branche du bâtiment qui pourrait subir une casse sociale majeure.

Au-delà des répercussions sur le secteur immobilier, la crise du logement pose de sérieux problèmes de précarité, notamment chez les plus jeunes : la situation ne devrait donc pas s’améliorer en 2024 malgré deux lois gouvernementales en préparation pour y remédier.

Causes multiples bien connues

Les causes de la crise sont pourtant connues. Le secteur était déjà touché par l’augmentation des coûts des matériaux, donc in fine des coûts de construction, due aux guerres, à la pandémie et à différents éléments exogènes. Les professionnels du secteur pointent aussi l’évolution des normes, notamment environnementales avec la RE 2020, une réglementation plus exigeante en matière de construction, et qui a pour objectif d’arriver à zéro émission carbone dans le secteur  en 2050.

Si le prix des matériaux est revenu à des niveaux acceptables après des années 2021 et 2022 complexes, la hausse des taux directeurs par la Banque centrale européenne (BCE), qui a pour but contestable de vouloir faire baisser l’inflation, n’a pas laissé le secteur souffler. 

En effet, la hausse des taux de la BCE a une double influence sur le marché: les investisseurs sont rétifs à financer de nouveaux projets, ne pouvant trouver des fonds à bas coût et les promoteurs se retrouvent face à une pénurie d’acheteur. Parallèlement, ces mêmes promoteurs, dont le modèle économique s’appuie sur l’endettement, voient leur marge se réduire du fait de l’augmentation des taux de crédit. Ils préfèrent donc geler la construction de nouveaux logements en attendant des jours meilleurs. 

L’inertie d’un secteur qui va impacter la politique du logement

La baisse du marché est conjoncturelle et non pas structurelle, les besoins en logements neufs étant même croissants selon l’Union sociale pour l’habitat qui table sur la nécessité de 518 000 logements neufs par an pour maintenir le marché à l’équilibre à l’horizon 2040. Mais actuellement, de peur de baisser la marge normative du secteur, les promoteurs gèlent les nouveaux chantiers, en attendant une possible baisse des taux directeurs ? 

Plus généralement, c’est tout le secteur qui va devoir se questionner sur son modèle, la croissance des normes environnementales ainsi que des coûts de construction n’étant pas amené à cesser. La question de se tourner de plus en plus vers des chantiers de réhabilitation doit être mise sur la table, projets délaissés par certaines entreprises car jugés moins rentables.

Pour l’instant, ces promoteurs, habituellement extrêmement lucratifs, vont répercuter directement leurs difficultés sur les travailleurs. C’est le cas de Vinci Immobilier, pourtant dans le top 5 des promoteurs français avec 1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, mais aussi de  Nexity, leader du marché, qui n’exclut pas de mettre en place un PSE. Pourtant, même s’il est en sensible baisse en 2022, son chiffre d’affaires avoisine les 3,7 milliards d’euros. Entre les chantiers en veille et les PSE dans ces grandes entreprises, ce sont les filières immobilière et construction  qui s’apprêtent à souffrir, faute de travail.

Plus généralement, cette crise de l’immobilier va avoir un impact extrêmement néfaste sur la politique du logement alors que le problème du mal-logement touche 14 millions de français. Moins de logements neufs sur le marché devrait continuer à faire monter la pression locative de nombreuses villes et rendre la vie encore plus compliquée pour bon nombre de français.

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