Les plateformes cristallisent la colère des livreurs à vélo, notamment l’américaine Uber Eats, la britannique Deliveroo et la française Stuart. L’entreprise américaine était à l’initiative en lançant un nouvel algorithme de calcul des rémunérations des courses au 1er novembre 2023.
Depuis plusieurs semaines, une soixantaine de mobilisations spontanées ont eu lieu, sans pour autant inquiéter les plateformes ni remettre en cause ce nouveau mode de calcul. Les organisations syndicales attendent beaucoup du mouvement de ce week-end, notamment de rouvrir le dialogue social dans le secteur qui “a montré son inefficacité quand il s’agit de défendre les droits des travailleurs” déplore Ludovic Rioux de la CGT-Transport.
Un mouvement historique
C’est la première fois que des syndicats, parfois en désaccord, arrivent à impulser une mobilisation aussi importante et d’ores et déjà historique par le nombre de villes concernées de tailles très variées. Pour les syndicats, nul doute que la mobilisation concernera plusieurs milliers de livreurs à vélo tant “le mécontentement est significatif” face à “une baisse des rémunérations continuelles et graduelles qui ne permet plus aujourd’hui de vivre dignement de son travail” précise Ludovic Rioux.
Les mobilisations prendront plusieurs formes. A Paris, les grévistes sont attendus le samedi 2 à 12h à Stalingrad. Dans d’autres villes, les rendez-vous sont fixés devant les McDonald’s ou Burger King. Certains groupes de livreurs se retrouveront aussi devant des restaurants afin de sensibiliser ou convaincre les livreurs qui continueraient de travailler.
La baisse des rémunérations
Au cœur du mécontentement, la nouvelle méthode de calcul des rémunérations des livreurs, toujours “opaque et incompréhensible” selon Fabian Tosolini, délégué national d’Union Indépendants. Les livreurs ont constaté une baisse significative de leur rémunération depuis le 1er novembre. Union Indépendants a répertorié un peu plus de 3110 courses réalisées par 50 livreurs dans 30 villes. 42 livreurs ont observé une baisse de leur revenu allant de 1% à 20% sur une période de 3 jours à un mois. Parallèlement, le prix de la course a diminué de 20% à 40% depuis la mise en place de la nouvelle rémunération.
Derrière Uber Eats, Deliveroo et Stuart ont suivi le mouvement et fait évoluer leurs calculs de rémunération. A titre d’exemple, une course de 1,5 km rémunérée à 4€ avant la mise en place du nouvel algorithme rapporte désormais 2,85€ depuis le 1er novembre sur Uber Eats. Surpris dans un premier temps, les livreurs ont contacté la plateforme. Chez l’américaine, comme chez la britannique, la réponse fut similaire: dans la mesure où vous êtes indépendant, “vous avez le droit de ne pas l’accepter et elle sera assignée à un autre biker”.
Les revendications des trois organisations syndicales convergent vers une augmentation des rémunérations pour l’ensemble du secteur et la transparence de l’algorithme qui calcule les rémunérations. Une contre proposition vise également à instaurer une rémunération horokilométrique, c’est-à-dire la prise en compte du temps qui s’écoule entre le moment où un livreur accepte une course sur l’application et où il la livre, en ajoutant un tarif kilométrique. “C’est pourtant la base de tous les métiers du transport, que ce soit en train ou en avion… et ça n’existe pas chez les livreurs à vélo, pas plus chez les chauffeurs VTC d’ailleurs si on fait une petite extrapolation” ajoute Fabian Tosolini. .
En effet, à l’heure actuelle, seul le temps entre la prise en charge de la commande et la livraison est prise en compte, sans faire état du temps d’attente, de connexion ou du trafic. Cette mesure force de plus en plus de livreurs à investir dans un scooter afin de gagner du temps et de tenir la cadence. Un coup supplémentaire que tous ne peuvent bien évidemment pas tous se permettre…
Vanyvavite analyse 🔍 La grève nationale des livreurs en France
— Vanyvavite (@vanyvavite) November 23, 2023
👉 Analysons les causes de cette grève nationale.
👉 Rendez-vous, pour Paris, Samedi 2 Décembre à 12 heures place de la République.
🙏 Force aux livreurs#ubereats #deliveroo #grève pic.twitter.com/HNJeLdFeWp
Les travailleurs-sans papier encore plus touchés
Les livreurs affiliés à la plateforme de livraison de Just Eat ont montré la voie au cours d’une grève de 3 jours. Alors que la plateforme avait suspendu les contrats de travail des salariés en situation irrégulière, pour lesquels des démarches de régularisation étaient pourtant en cours, ces derniers ont finalement été réintégrés.
Comme souvent dans ces branches, les plus exposés restent les travailleurs sans papier. Pour eux, “c’est la double peine car ils subissent une double exploitation” confirme Laurent Degousée du syndicat Sud-Commerce. Comme tous les livreurs, ils le sont par leur plateforme, mais également par “les loueurs”, des personnes peu scrupuleuses qui louent leur compte pour 150€ par semaine. Un modèle qui inquiète d’autant plus à Paris où deux tiers des livreurs seraient en situation irrégulière. Les plateformes savent sont au fait et profite donc de cette main d’œuvre corvéable et toujours en demande de travail, à l’image de ce qui se passe dans le secteur du bâtiment.
Une mobilisation qui sera sûrement de grande envergure et permettrait d’avoir plus de poids lors de la prochaine discussion le mardi 5 décembre avec l’Association des Plateformes d’Indépendant (API).