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Deux agents victimes de propos racistes suspendus aux réserves de Servan

Bruno et Ibrahima, deux veilleurs de nuit des réserves de Servan (Palais Galliera, musée de la Mode de la ville de Paris), sont suspendus depuis fin novembre. Ils auraient eu une “attitude agressive” vis-à-vis d’un de leur encadrant, après que celui-ci ait tenu des propos racistes à leur égard. Une actualité qui fait écho à une enquête révélée en avril 2022 par Libération sur des cas de harcèlement dans les musées de la ville de Paris.
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Servan_racisme
Des agents des réserves Servan (Palais Galliera) ont rejoint les grévistes de la ville de Paris qui ont affiché leur soutien à la lutte des agents contre les sanctions disciplinaires dont ils sont menacés. Sur la banderole: “Les JOP 2024 ne se tiendront pas sans les agents de la ville”. Crédit: CGT Paris Musées - Facebook, post du 24 janvier 2024

L’affaire prend de l’ampleur

L’incident remonte au 28 novembre dernier alors que deux agents du PC Sécurité, Bruno et Ibrahima, croisent leur encadrant qui leur demande de signer un papier sur le champ. Or, les deux veilleurs ne commencent leur service que 10 minutes plus tard et expliquent à leur encadrant qu’ils le feront à ce moment-là. Au fil de la discussion, ce dernier aurait alors tenu les propos suivants: “de toute façon, vous les noirs, vous ne voulez pas travailler”. Le ton serait ainsi monté, et les deux agents auraient dit à l’encadrant qu’ils allaient porter plainte auprès de la police et notifier l’incident aux RH. 

Deux autres agents des réserves qui passaient par là assistent à la fin de la scène et voient l’encadrant en position de faiblesse. Alors que les deux veilleurs remplissent une fiche de signalement interne et déposent une plainte au commissariat pour dénoncer la situation, l’encadrant, appuyé par les paroles rapportées des deux autres agents, témoigne de “l’agression” dont il aurait été victime par Bruno et Ibrahima. Une accusation qui surprend leurs collègues, les deux hommes ayant habituellement “un tempérament calme” selon leurs précédents encadrants.

Ils suspendent juste les veilleurs de nuit et pourtant ils sont au courant qu’il y a une plainte auprès de la police pour “racisme” et un signalement interne à l’encontre de l’encadrant. Ils font ça en connaissance de cause et prennent parti.” 

Pierre – CGT Paris Musées

Cependant, la situation s’envenime quand la direction décide de suspendre les deux veilleurs de nuit car “leur présence pourrait nuire au fonctionnement du service” dans l’attente d’un entretien disciplinaire le 17 janvier. Pendant ce temps, l’encadrant n’est aucunement inquiété. Suspendre uniquement les deux agents est une prise de position forte de la part de la direction et voudrait ainsi l’encadrant en question.

Le parti-pris de l’administration

Pour le représentant de la CGT, l’attitude de l’administration ne fait aucun doute, elle a déjà commencé à “muscler le dossier. Parce que dire qu’ils ont eu une attitude agressive alors qu’ils venaient de subir une agression raciste, ça n’allait pas suffir. Dans ces cas-là, il faut durcir le dossier en allant chercher dans les vieux griefs.” 

Il en veut pour preuve la mise en cause d’un troisième agent dans l’affaire. Ce dernier serait allé voir l’encadrant concerné pour parler de l’affaire de Bruno et Ibrahima. L’encadrant l’aurait alors menacé en lui disant de ne pas s’emmêler, faute d’avoir des problèmes. Le 27 décembre, l’agent reçoit à son tour une convocation pour un entretien disciplinaire le 2 février. Pourtant, les faits reprochés remontent au mois d’août 2023 et auraient été réglés courant septembre selon Pierre. “Les dates sont quand même étonnantes pour un problème qui a eu lieu en août et traité en septembre” souligne-t-il. 

Coïncidence ou pas, la mobilisation prend de plus en plus d’ampleur pour revendiquer l’abandon total et immédiat des charges.

La lutte s’installe

Une première journée de mobilisation s’est déroulée lors de l’entretien disciplinaire de Bruno et Ibrahima le mercredi 17 janvier. 

Personne n’en a parlé au début, comme si de rien était, comme dans ces cas-là” développe Pierre, “on a fait un communiqué qu’on a distribué à l’entrée et une trentaine de collègues des autres services, c’est un petit site, sont ressorti et on passé une heure sur le piquet à parler avec nous”. Ils ont écrit une pétition, “c’était un beau moment de solidarité qui a changé pas mal de choses sur la manière dont les collègues vivent l’affaire. »

Pierre – CGT Paris Musées

Afin de maintenir la pression pour qu’aucune sanction ne soit prise à l‘encontre des deux hommes, des agents du PC sécurité, rejoints par d’autres services, ont débrayé à nouveau le 18 janvier. Une troisième journée de mobilisation a été organisée le 23 janvier alors que des agents de la ville de Paris militaient pour de meilleurs salaires et une prime exceptionnelle « Jeux Olympique de Paris » de 1 500 euros. 

 

 

La CGT Paris Musées demande à être reçue par Anne Hidalgo. “Elle doit se prononcer sur le sujet et recevoir les agents en lutte”. Les révélations de Libération en 2022 avaient poussé la maire de Paris a saisir l’Inspection générale de la ville. L’enquête prétendait révéler que les difficultés se situaient souvent avec les personnels de catégorie C, les agents d’exécution, et jamais parmi les catégories A et B, “ça en dit long”, poursuit Pierre, “comme si on pouvait imaginer parmi les cadres, dans les bureaux, il n’y avait pas de processus de harcèlement, parfois bien plus vicieux que ce qui se produit chez les collègues de surveillance. Ça en dit long sur la manière dont il considère le problème”. 

A ce jour, plus d’un mois et demi après les faits, l’enquête n’aurait toujours pas commencé selon un communiqué de la CGT. Après l’entretien du 17 janvier, les soutiens des deux hommes continuent d’affirmer qu’aucune sanction ne serait acceptable. Ils sont en attente de la réception d’un courrier de l’administration qui doit déterminer si la procédure s’en tient là ou si elle convoque un conseil de discipline. En attendant, il semblerait que les contours d’une prochaine journée de mobilisation se dessine le 2 février lors de la convocation du troisième agent.

Contactée, la direction n’a pas encore donné suite à nos sollicitations.

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