Le mardi 14 novembre dernier, une quarantaine de personnes et quelques journalistes étaient là pour soutenir et écouter l’histoire d’Emmanuel Dumoulin, 39 ans, élu du personnel CGT chez Dassault Aviation, qui dénonce un harcèlement syndical de la part de son employeur. Loin d’être un cas isolé, il témoigne pour “que ça puisse aider d’autres personnes. Les caméras, les récits je n’aime pas ça, je fais ça par devoir pour ceux qui restent dans l’entreprise”.
“ils doivent payer correctement les salariés c’est pour ça que je me suis engagé principalement“
Depuis 8 ans, cet ingénieur diplômé de la prestigieuse école des Mines de Paris vit un enfer. Après être entré chez Dassault en 2009 pour réaliser sa thèse, il entre en poste de 2013 à 2015. Les complications commencent à ce moment, quand il décide de se syndiquer à la CGT.
“Je me suis engagé à la CGT car j’étais écoeuré par les conditions de travail. C’est quand j’ai vu les NAO (négociations annuelles obligatoires), que j’ai décidé de me syndiquer. On est dans une boîte avec 10 milliards sur le compte en banque et il y a toujours des bonnes excuses pour ne pas augmenter les salaires chaque année. Ils nous mentent, il faut faire quelque chose, ils doivent payer correctement les salariés c’est pour ça que je me suis engagé principalement “
"On m'a accusé de financer la Corée du Nord"
— L'Humanité (@humanite_fr) November 15, 2023
Le 14 novembre, à Argenteuil, un rassemblement était organisé en soutien à Emmanuel Dumoulin, ingénieur et syndicaliste (CGT) à Dassault Aviation, menacé par une procédure de licenciement. @CgtDassault @lacgtcommunique pic.twitter.com/PsUjLaerHy
A partir de ce moment son employeur démarre un long processus de broyage humain. L’entreprise rend la vie infernale à des travailleurs syndiqués et pour ce cadre, ça sera l’enfer. “La direction n’a pas supporté qu’un cadre rejoigne la CGT” déclare Emmanuel. Entre pression et mise au placard, tout est fait pour lui rendre le quotidien impossible, soit par une surcharge de travail sans accès au logiciel interne pour effectuer les missions, soit en lui confiant des missions dégradantes, comme déballer des cartons à l’entrée de l’usine ou faire des photocopies pendant une semaine.
“Quand j’ai demandé autour de moi pourquoi, on me faisait faire ça (ndlr des photocopies), les collègues m’ont répondu “c’est normal t’es à la CGT” et mon chef m’a regardé avec un grand sourire et m’a dit “moi aussi je fais des photocopies””.
Une situation connue de tous selon le syndicaliste qui malgré des alertes nombreuses auprès de la direction n’a jamais été entendu. Exposé aux menaces de fin de carrières et aux insultes – son responsable des ressources humaines l’ayant par exemple traité d’imbécile en CSE- Emmanuel finit par faire un burn out du fait de sa charge de travail et de la non adaptation de son poste à ses mandats syndicaux. Aujourd’hui, la médecine du travail l’a déclaré inapte à tout poste, ce qui a déclenché une procédure de licenciement pour inaptitude.
Une réalité présente dans de nombreuses entreprises
Une situation qui fait tristement écho à d’autres travailleuses présentes à la conférence de presse pour soutenir “Manu”. Siham et Nadège, anciennes salariées de l’EHPAD Château de Neuville, ont été licenciées après une grève de 4 mois et demi, une grève record dans le Val d’Oise. Quelques semaines seulement avant la sortie du livre enquête de Victor Castanet “ Les Fossoyeurs : révélations sur le système qui maltraite nos aînés “, 7 travailleuses dont Siham et Nadège avaient alerté sur les conditions de vie des patients et les conditions de travail des salariés en se mettant en grève. Elles n’ont pas pu réintégrer leur emploi après cette mobilisation suite à l’absence de considération de la direction à l’égard de leurs demandes et ont signé une rupture conventionnelle.
Un harcèlement syndical qui avait commencé quand leur employeur avait appris qu’elles étaient encartées à la CGT. Siham, représentante du personnel, raconte avoir été mise à pied 6 mois, deux fois 3 mois, la première mise à pied ayant été cassée par l’inspection du travail. “Pendant 6 mois, il n’y a pas eu de représentation du personnel dans les instances, on s’est acharné pour me faire partir” .
Si elles continuent leur combat aux prud’hommes aujourd’hui, elles sont amères : “on prend des risques à prendre la parole, à être tête du mouvement alors que les employeurs peuvent user de procédures bâillons et faire rentrer tout le monde dans le rang”. Certaines des grévistes sont en effet mises en examen dans des procédures pénales.
La transparence salariale : une des solutions contre certaines formes de discriminations syndicales
Face à ce fléau, une des solutions à l’intérieur des entreprises pourrait être la transparence salariale. Avoir accès à ces ressources permettrait à des salariés supposant être victime de discrimination syndicale d’avoir des éléments chiffrés prouvant cette discrimination au regard de l’évolution salariale d’employés de même niveau non syndiqués. La transparence salariale est par la même occasion un moyen de lutter contre les inégalités de salaire femme/homme. D’une pierre deux coups pour plus de transparence au sein des entreprises et en finir avec les discriminations au travail.