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Chez Just Eat Takeaway : une lutte contre l’ubérisation 

C’était le bon élève des plateformes de livraison en ligne, c’est en train de devenir le cancre. Just Eat Takeaway a annoncé vouloir licencier la totalité de ses livreurs dans le cadre d’un PSE, soit 114 salariés alors même que la plateforme souhaite continuer son activité en France via des “indépendants”, un terrible risque de précarisation selon les salariés.
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Rassemblement de salariés Just Eat le 30 mai 2024 pour la rencontre avec le Commissaire européen Nicolas Schmit - Crédit @Débrayage

Jérémy Graca, délégué syndical FO du groupe, et ses collègues faisaient partie des rares livreurs à vélo à avoir le statut d’employé, un luxe par les temps de l’ubérisation qui courent mais qui ne devrait pas durer. Depuis l’annonce du PSE, les salariés et leur syndicat FO se démènent pour alerter sur cette situation. Voyage à Amsterdam au siège de Just Eat Takeway pour obtenir des réponses de la multinationale, rencontre la semaine dernière des candidats et candidates aux européennes pour les interpeller sur l’ubérisation, dialogue avec le commissaire européen Nicolas Schmit…

Un rétropédalage du géant hollandais…

Cela faisait partie de la stratégie de communication de Just Eat, revendiquer d’être la seule plateforme de livraison à salarier ses livreurs. En effet la plateforme était la seule qui recrutait en 2021 ses livreurs sous contrat contrairement aux concurrents qui fonctionnent avec des indépendants auto-entrepreneurs. Mais en 2022 l’entreprise change de cap et effectue un premier PSE avec le licenciement de 307 salariés dans 26 villes où était implanté Just Eat. Officiellement la multinationale veut recentrer ses activités sur Paris. En réalité l’activité des 26 villes a été transférée vers Stuart, un sous traitant, pour réduire les coûts salariaux. 

Aujourd’hui les salariés craignent que Just Eat effectue la même manœuvre pour les 114 salariés restants. Leur avocat maître Pradal dénonce le double discours de la multinationale: “A Paris, on dit aux livreurs on va fermer car on fait une cessation d’activité, à Amsterdam au siège, l’information donnée aux investisseurs c’est qu’en France on va passer d’un modèle salariale à un modèle indépendant. C’est un vrai problème, en France c’est possible de salarier un indépendant, l’inverse n’est pas possible et est interdit par le code du travail.

Il y a la peur de voir les conditions de travail se dégrader mais aussi celle des difficultés que pourraient rencontrer certains salariés actuels de Just Eat. En effet, l’entreprise emploie actuellement des travailleurs sans papier qui, avec un contrat de travail, peuvent espérer obtenir une régularisation. La fin du salariat au sein de l’entreprise fragiliserait d’autant plus ces travailleurs.

Une politique à contre courant de la directive européenne

Just Eat justifie ce changement par le surcoût que cela engendre vis-à -vis de ses concurrents. Un argumentaire infondé pour Jérémy Graca, qui note que dans de nombreux pays, les leaders du marché  se portent extrêmement bien tout en salariant leurs livreurs. “La vérité, c’est qu’ils ont décidé de faire des économies en travaillant avec des indépendants. Ils ne veulent plus salarier de livreurs en France car ils considèrent que c’est un coût trop important. C’est du salariat déguisé. Le modèle salarial marche. Il y a 30 000 livreurs Just Eat en Europe et ils sont leaders dans beaucoup de pays comme en Allemagne et en Autriche, ça prouve que ce modèle marche.” 

Le syndicat FO dénonce la recherche de toujours plus de profit derrière cette décision alors que le groupe effectue 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 et réalise des profits conséquents avec un ebitda de 324 millions d’euros (profits avant impôts et intérêts), des chiffres supérieurs à son concurrent français Deliveroo qui lui réalise 2,03 milliards d’euros de chiffre d’affaires. 

Une stratégie d’autant plus surprenante alors qu’une directive européenne visant à renforcer les droits des travailleurs de plateformes a été adoptée et devra être transposée dans le droit français. Elle implique une présomption de salariat pour les indépendants comme les chauffeurs et les livreurs qui travaillent pour les plateformes.Le gouvernement français, que l’on sait favorable au maintien du statut d’indépendant, n’a pas soutenu cette directive.

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