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Début des épreuves pour les oubliés des Jeux Olympiques

La rédaction

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Le 26 juillet, tout Paris sera tourné vers la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Tout Paris ou presque. A l’approche de ce grand événement, les difficultés que rencontrent les personnes les plus précaires s’accentuent. Chassés de leur lieu d’hébergement, de travail, plus exposés aux contrôles policiers, ils n’entrent pas dans le tableau que souhaitent peindre les organisateurs. Le milieu associatif essaie tant bien que mal de porter leurs revendications. Entretien avec Antoine de Clerck, du collectif Le revers de la médaille

L’union d’associations préoccupées

Pour comprendre les positions de ce collectif, il est important de se tourner vers l’histoire de sa création : « Le revers de la médaille est un collectif informel, composé de 80 associations du domaine de la solidarité qui travaillent auprès d’un public assez large, globalement en précarité, que ce soient sans abris, mal logés, travailleurs du sexe, usagers de drogues, personnes exilées, ayant recours à l’aide alimentaire ou aux dispositifs d’accès au soin. Ces associations se sont rendues compte, au printemps dernier, d’opérations d’éviction qui s’accéléraient et prenaient de l’ampleur, d’abord en Seine Saint Denis autour des sites des JO, puis un peu partout en France, en particulier à Paris. »

 

Le lien a très vite été fait avec l’organisation de l’événement sportif : « Des documentations qui avaient été faites sur des éditions précédentes des JO révèlent que les villes hôtes cherchent à montrer leur meilleur visage aux caméras et aux touristes du monde entier. Elles font donc des opérations de social cleansing que l’on a traduit par « nettoyage social ». Ce terme agace beaucoup nos interlocuteurs des préfectures mais, comme dans les éditions précédentes, on éloigne des populations jugées « indésirables » aux yeux du public. »

 

Ces associations ont donc décidé de se regrouper pour interpeller les pouvoirs publics et obtenir des solutions concrètes pour toutes ces populations précaires. Pour Antoine, le collectif joue deux rôles : « Un rôle d’interpellation qui vient créer de la visibilité, pour faire passer le message, pour insérer le sujet dans le débat public puis un deuxième rôle qui est moins visible, mais pas moins important, de proposition et de concertation. » Lorsqu’il revient sur les actions faites depuis quelques mois par le collectif, il ajoute : « Nos actions sont extrêmement bisounours, elles ont pour but d’interpeller, de passer un message. En février, nous sommes dans un nouveau cycle de rendez-vous et de concertation, on laisse une chance à ces rendez-vous d’aboutir sur des engagements concrets. Si on a rien, on va continuer à multiplier notre mobilisation, c’est certain. »

« Bras de fer » avec les institutions pour obtenir des réponses

Ce qui rend difficile ces échanges avec les institutions, c’est la multiplicité des têtes pensantes : « Nos quatre parties prenantes principales sont le comité d’organisation des jeux olympiques (COJO), la ville de Paris, la préfecture de police et la préfecture d’Ile de France et chacun exerce des responsabilités différentes, tout le monde se renvoie la balle sur le sujet. » 

 

Les réponses données par ces différentes structures ne sont en rien satisfaisantes. Bien que de façade soucieuses du cas de ces personnes précaires, elles minimisent leurs possibilités d’action :

« Le COJO est chargé d’organiser l’événement en lui-même, ils nous ont déjà reçu à deux reprises. Ils sont attentifs à ce qu’on raconte, ne considèrent pas cela injustifié mais se disent irresponsables. C’est à la fois vrai, mais c’est eux qui pensent l’image des jeux et qui portent cette promesse d’héritage social inclusif, c’est eux qui l’ont formulé ainsi. Pour tenir cette promesse ils doivent s’en préoccuper, renouveler cet engagement et que ce ne soit pas l’occasion de vider Paris des sans-abris mais de les héberger. Pour l’instant c’est en demi-teinte, ils ne disent pas qu’il ne faut plus les saisir, reconnaissent le problème mais disent que ce n’est pas leur responsabilité… Ils jouent un peu la montre quoi. La ville de Paris est très engagée sur le sujet, la maire a dit qu’elle était inquiète sur la question des transports et celle des personnes sans-abris. Mais ils renvoient la responsabilité à l’Etat, ils se sont plaints plusieurs fois, et à raison, c’est un bras de fer. 5 maires de grandes villes ont saisi la justice sur la question des logements car l’Etat ne remplit pas ses obligations. Sur l’hébergement d’urgence, c’est la préfecture de région, qui doit se charger de cette question. Elle n’a pas vraiment de position mais elle dit qu’elle n’a pas les moyens, qu’ils font déjà beaucoup d’efforts. Pour le moment ils ont prévu une centaine de places supplémentaires pour les grands marginaux, c’est-à-dire les personnes sans-abris installées depuis très longtemps, qui seraient à proximité immédiate des JO et qui vont être, c’est sûr, délogés puisque les premières installations vont commencer ces prochaines semaines. Nous on demande 7000 places car 100 places, c’est bien, mais totalement insuffisant. » 

 

Reste une dernière institution, avec qui les négociations s’annoncent plus compliquées selon Antoine : « La préfecture de police, c’est plus difficile. Ils disent que tout va bien, ils font des opérations de mise à la rue de camps de migrants et tout va bien, quand on évacue un campement de mineurs sur les berges de Seine c’est totalement normal. Ils considèrent qu’il faut arrêter avec ce « nettoyage social », que si les gens n’ont rien à se reprocher ils n’ont rien à craindre de la police. Les JO, c’est 30 000 policiers supplémentaires, sans compter les 15 000 militaires, sur 30 000 km de trottoirs, ça va faire un policier tous les 100 mètres, soyons raisonnables, cela va mettre une pression importante sur les personnes sans papiers, sans domicile fixe, les travailleurs du sexe… On souhaite absolument rentrer en contact et en consultation avec les institutions même si on est en désaccord sur certains points. De toute façon, on ne pourra pas faire sans. »

Des répercussions déjà bien présentes

Depuis quelques mois déjà, des associations remarquent une pression plus importante pesant sur les usagers les plus exposés. Elisa Koubi, coordinatrice au STRASS (syndicat du travail sexuel) revient sur cette « chasse aux indésirables dans le décor parisien ». Elle déclare que « depuis plusieurs mois déjà, on nous a rapporté une augmentation accélérée des contrôles de police, des amendes pour exhibition, pour stationnement, des choses invraisemblables qui ne se faisaient plus trop depuis quelque temps. Beaucoup de travailleur.euses du sexe (TDS) finissent au commissariat, en centre de détention administrative, d’autres repartent avec une OQTF (obligation de quitter le territoire français). On est dans un climat de harcèlement policier. On ne sait pas si on utilise les JO comme prétexte pour renforcer le contrôle des migrants, d’autant plus lorsqu’on sait que 70% des prostituées de rue sont des femmes migrantes, non-blanches et parfois sans-papiers. »

 

Autre crainte, la précarité locative qui pourrait s’accentuer à l’approche de l’événement : « On nous fait prétendre que les JO vont ramener des milliers de prostitués qui vont arriver dont ne sait pas où mais c’est totalement faux, un fantasme, cela a déjà été étudié sur des olympiades. Mais cela justifie le renforcement des contrôles au niveau des hébergeurs. Des sites comme Airbnb ou des hôtels proposent des formations pour reconnaître des prostitués ou des exploitants sexuels, c’est un peu la grande parano aujourd’hui. Cela contraint les TDS à être plus vigilants, il y a même des plateformes pour dénoncer d’éventuels locataires qui seraient des TDS ».

 

Des méthodes inacceptables selon Elisa : « Aujourd’hui c’est la politique de la peur qui est mise en place et qu’on méprise beaucoup ». Elle indique se joindre au collectif car de telles répressions concernent en réalité un public bien plus large.

Des problématiques ne touchant pas que l’édition parisienne

Ce n’est pas la première fois que l’envers des jeux, qu’il soit écologique ou social, est dénoncé. Lors des JO d’hiver à Turin en 2006 une piste de bobsleigh avait été construite dans un espace naturel protégé. La fabrication de neige artificielle avait battu des records de consommation d’eau. Même problème à Pékin en 2008, la Chine avait alors décidé de pomper de l’eau dans d’autres provinces rurales, qui souffraient déjà de sécheresse. A Vancouver en 2010, des milliers d’arbres avaient été sacrifiés à l’occasion de l’évènement sportif. 

 

Autre dénonciation fréquente, le manque d’éthique des chantiers de construction. La Coupe du monde 2022 avait là aussi eu son lot de scandales, des milliers de migrants seraient décédés dans la fournaise des chantiers qataris. L’édition des Jeux Olympique de Paris n’est pas en reste. Le 17 octobre, plusieurs centaines de travailleurs et travailleuses sans papiers avaient occupé le chantier de l’Arena Adidas, regroupés dans le collectif des Gilets Noirs, afin de réclamer leur régularisation. 

 

Pour Antoine, le problème ne vient pas des Jeux en eux-mêmes, mais bien d’une mauvaise gestion des priorités : « Les JO sont une dynamique énorme, 9 milliards d’euros, beaucoup de moyens mis en place, cela peut être très beau mais cette dynamique devrait aussi profiter à la lutte contre l’exclusion et à l’hébergement, et en particulier de façon digne et pérenne. Nous les jeux on s’en réjouit, on aime le sport mais la mission sociale on ne peut y renoncer, c’est le cœur de notre activité, de notre raison d’être. On ne pense pas que cela soit incompatible, au contraire, on continuera à se mobiliser et à porter notre message. »

La rédaction

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